mercredi 22 juin 2011

Salut, Éric !

Le quartier a perdu son commerçant le plus humain.

Éric n’est plus.

Vous ne verrez sans doute pas d'annonce nécrologique dans les grands journaux et on n'en dira rien à la télé non plus.
Éric, ce n'était que le marchand de fruits et légumes du quartier.

Un petit homme gentil, toujours de bonne humeur et que tout le monde aimait bien.
Derrière sa caisse, son mur était couvert de dessins donnés par les enfants.
Ceux des mes enfants y sont sans doute encore…

Il aimait bien les enfants et les enfants l'adoraient. Non pas qu'il leur donnât des bonbons… Non, il ne leur donnait que des fruits et des sourires. Il leur parlait, aussi.

Évidemment, il avait les meilleurs fruits et légumes du quartier, et il avait à cœur d'offrir toujours de bons produits.

Toujours un sourire aimable, une gentillesse sincère. À l'opposé du commerçant qui vous fait bonne figure pour vous refiler un fruit pourri…

Chez Éric, le client se servait lui-même, puis, on passait à la caisse, bavarder avec Éric, s'il n'y avait pas trop de monde. Un plaisir de faire les courses…
Samedi, Éric est venu travailler comme d'habitude. On voyait bien sur son visage qu'il n'allait pas bien, mais il a travaillé jusqu'à l'heure de fermeture. À bout de forces.

Dimanche, Éric nous a quittés pour toujours. Il avait 55 ans.
J'ignore la cause médicale de son départ, et je ne veux pas la connaître. Savoir qu'on aurait peut-être pu l'éviter rendrait les choses encore plus douloureuses.

Depuis qu'il est parti, ses stores métalliques restent baissés, mais des enfants y ont collé des dessins. "Au revoir, Éric !" disent-ils simplement.
J'avais juste besoin de rendre hommage à un homme qui a su humaniser son travail et le quartier auquel il appartenait.
J'oubliais un dernier détail…

Éric était gay.
Cela se voyait sur son visage, à cause du fond de teint dont il se couvrait toujours, et il ne s'en cachait pas dans ses propos, évoquant son compagnon.

Pour certaines gens, cela suffisait à rendre Éric méprisable.
Pour tous les autres, c'était la preuve que les homos sont des gens normaux.
Certaines gens ont besoin d'en mépriser d'autres pour se sentir supérieurs.
C'est pour plaire à des gens comme ça, qu'on fait encore les lois aujourd'hui.

Éric fait partie de ses personnes à qui on a refusé le droit de se marier. Une mesure qui ne coûterait rien au budget, et qu'on refuse, juste pour faire chier !

J'ai honte pour ce pays, qui a perdu la notion du Bien et du Mal.
Salut Éric, si tu reviens à l'intérieur de quelqu'un d'autre, ce sera toujours un plaisir…

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