lundi 12 décembre 2011

Bouchées à l'arène

Dans un monde toujours plus inégalitaire, les plus pauvres vont enfin avoir une chance d'accéder aux tables du Fouquet's !

Pendant ces trois dernières décennies, nous avons tous remarqué les efforts couronnés de succès des plus riches pour multiplier leurs revenus, dynamisant l'industrie du luxe, dont notre beau pays est fier d'accueillir les plus nobles fleurons.

Malgré cette prouesse économique, non seulement les pauvres se sont montrés incapables de suivre cet élan vers le haut, mais, paradoxalement, les revenus ont stagné.
Les plus pauvres sont chaque jour plus nombreux, tirant de tout leur poids l'économie vers le bas et menaçant le triple A des pays les plus exemplaires.

Nos amis britanniques — de Margaret Thatcher, grande amie du général Pinochet, jusqu'au merveilleux David Cameron —, dont l'humanisme n'est plus à démontrer, ont bien identifié la cause du problème, après les émeutes récentes dont ils ont été victimes :
Les plus pauvres sont l'objet de problèmes personnels et ils s'excluent d'eux-mêmes du vent de prospérité qui devrait tirer tout le monde vers le haut.
On préconise même de matraquer les pauvres comme des bébés phoques, pour lutter contre la menace qu'ils représentent…

Malgré les efforts de notre excellent président Sarkozy, premier à montrer l'exemple en augmentant son salaire, qui nous conseilla judicieusement de « travailler plus pour gagner plus », les banlieues n'ont pas été nettoyées au Kärcher de la pauvreté, du chômage et de la détresse sociale. Bien au contraire.
Les médecins roumains, les infirmières bulgares, les routiers turcs et les plombiers polonais ont envahi nos villes et nos campagnes, on construit plus de prisons que d'hôpitaux, et Pôle Emploi pourrait devenir le premier employeur de France, si l'on continue sur cette pente…

Quelle est la tendance ?
Regardons vers le sud de l'Europe, loin de la Grèce, au Portugal, où malgré un SMIC à 475 euros, le chômage des jeunes dépasse les 22 %.
Si l'on baissait de moitié le SMIC, pourrait-on supprimer le chômage ?
Comment vit-on avec 240 euros de revenu mensuel ? Mal, même au soleil du Portugal.



La situation est désespérée, pour les plus pauvres, à moins de prendre des mesures nouvelles qui inversent la tendance, sans plomber les finances publiques, fragilisées par la crise mondiale.

Aujourd'hui, avec l'aide des géants de l'agro-alimentaire, on peut parfaitement résoudre définitivement le problème des pauvres, en Europe, comme dans les pays où les pauvres sont majoritaires.

Regardons les statistiques en face : qui peuplent les prisons, les trottoirs, les logements insalubres ? Ce sont les mêmes qui vivent mal, dans l'inconfort, la misère, la douleur morale de ne pas trouver leur place dans la société… Il est temps de proposer à ces gens une solution radicale pour sortir de la misère et, aussi, pour éviter à leurs enfants une vie qui s'annonce encore pire que la leur !

Supprimons les allocations familiales et permettons aux pauvres de vendre leurs enfants, leurs vieux parents, avant de se vendre eux-mêmes !
Pas question d'esclavage, bien sûr, c'est aboli.
Profitant du caractère omnivore des cochons, transformons plutôt ces bouches à nourrir en nourriture, et le problème de la faim dans le monde, lui-même, ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir !

Pensez à tous ces charmants footballeurs musclés, qui n'ont pas eu la chance de devenir des champions médiatisés, et se retrouvent, à vingt ans, entre Pôle Emploi, la drogue et la prison… Ne pourrait-on pas leur trouver une place appétissante sur une table prestigieuse ?

L'idée n'est pas nouvelle, proposée pour la première fois par Jonathan Swift en 1729, dans « A modest proposal ».
À partir de ce texte, le délicieux court métrage de Brice Reveney, réalisé en 1999, avec Jean-Claude Dreyfus, montre bien la noblesse du projet et sa cohérence avec notre situation économique, qui s'est encore dégradée, pour les moins aptes à multiplier leurs revenus (voir le film en cliquant sur le lien).

L'idée de manger les enfants (mais pourquoi donc se limiter aux enfants ?) suppose toutefois un retour au cannibalisme, tout à fait improbable, étant donné le haut niveau de civilisation que nous avons atteint.
Et pourtant, pour les nouvelles émissions culinaires qui parfument nos télés, quel challenge intéressant cela pourrait être…

À défaut, notre niveau de développement alimentaire permet tout à fait de nourrir les animaux d'élevage industriel avec des aliments d'origine humaine.
La chair des pauvres ferait une source de protéines acceptable, et le reste, broyé, un engrais précieux pour les cultures OGM, à moins que l'on en fasse des matières plastiques. Rien ne serait perdu.

Nos poules, nos cochons, nos saumons en ont vu d'autres !
À la belle époque du scandale de la vache folle, on a connu des usines où l'eau d'évacuation des sanitaires du personnel était recyclée en farines pour nourrir les bêtes… et les animaux étaient ravis !

À quoi bon nourrir des condamnés à vie, alors qu'ils peuvent participer utilement à la chaîne alimentaire ?
Dans tous les beaux pays où l'on pratique la peine de mort, quel gaspillage que ces bourreaux rénumérés au prix fort, alors que les abattoirs industriels regorgent de personnel bon marché !
Les SDF ? N'est-il pas inhumain d'attendre qu'ils meurent de froid pour les mettre au frigo et résoudre leurs problèmes une bonne fois pour toutes ? Et avec le réchauffement climatique, ils doivent parfois patienter des années…

L'obésité des enfants de pauvres, victimes de la malbouffe, ne sera plus un problème et deviendra même un avantage économique, pour les familles les plus démunies.

Les décès, qui plongent tant de familles dans l'affliction et la détresse financière ?
Ne pourrait-on décemment proposer aux personnes en fin de vie de se porter volontaires pour être recyclés en pâtés en croûte, au lieu d'être une charge pour leurs proches ?
Certes, ça ne rapporterait pas énormément, mais quelle économie (cercueil, enterrement ou crémation…) et la municipalité pourrait offrir d'écrire gratuitement le nom du défunt quelque part (sur un site internet…).
Sans compter l'amélioration du bilan carbone qu'une telle mesure permettrait !

Les Chinois, malgré le succès de leur politique de l'enfant unique, ne pourront pas longtemps éponger l'excédent de population de leurs campagnes, et le mécontentement des laisser-pour-compte du boom économique. Il est temps pour eux d'améliorer leurs rouleaux de printemps. De la part de ce grand pays, réputé pour sa gastronomie, on attend des innovations culinaires intéressantes !

Tous ces enfants qui meurent de faim, chaque année, dans le monde ? Si on en prélevait une partie (avant qu'ils ne soient trop maigres), avec les nuggets de poulet ainsi produits, on nourrirait les autres pendant un an ! Et ce beau geste humanitaire serait réalisé sans frais.

Contrairement à ce que l'on peut voir dans le court métrage mentionné ci-dessus, la vente des enfants ne doit pas devenir une source ou un complément de revenus à long terme. Ce sera tout au plus l'équivalent d'une prime de Noël…
Pas question pour l'État d'acheter les corps ! Là encore, la privatisation est préférable.
Laissons ce soin aux géants de l'agro-alimentaire et ils seront évidemment moins généreux

Même si la fécondité des pauvres européens rejoignait les performances du XIXe siècle, aucun décollage économique n'est envisageable avec cette proposition.
Ce n'est pas le but.

Il ne serait d'ailleurs pas moral d'encourager les pauvres à produire des enfants pour la viande. C'est une solution d'urgence provisoire, pour sauver la planète de la surpopulation et la civilisation mondialisée de la pléthore de pauvres qui sont une charge pour l'humanité.

On pourra très bien interdire définitivement cette pratique dans quelques décennies, quand l'objectif aura été atteint, de la même manière qu'on a aboli l'esclavage.

L'économie fondamentale est dans l'allègement des charges familiales et sociales, à court terme et à long terme, (économies d'écoles, d'HLM, de RMI, de prisons, de guerres) puisqu'il s'agit de planifier une diminution radicale de la population humaine terrestre.

Après avoir appliqué cette proposition de manger les pauvres (enfants et autres…) en Europe, il suffira de l'étendre aux continents les plus démunis, qui bénéficieront encore mieux de la disparition de leurs nécessiteux.
Imaginez le Mali, où ne survivront que les dirigeants (et leurs domestiques) !
Enfin, un pays d'Afrique où les habitants vivront tous bien !
On finira par obtenir une planète Terre peuplée de cinq cents millions d'habitants seulement, comme dans les beaux projets humanitaires du Nouvel Ordre Mondial.

Certains lecteurs sensibles pourront penser qu'il y a une certaine cruauté à cette proposition, mais la condition des pauvres, qui va en s'aggravant, n'est-elle pas plus cruelle encore ?

Cela dit, les représentants des plus grandes religions, interrogés sur ce projet, ont été unanimes à reconnaître que les victimes de cette solution auront beaucoup plus de chances d'aller directement au paradis que les pauvres qui sont condamnés à vivre dans les conditions de plus en plus difficiles.
Cet argument, n'oublions pas de l'évoquer, pour nous aider à lever les éventuelles réticences, s'il y en avait !

Le droit au souvenir ?
Tous les pauvres n'auront pas droit à une présentation raffinée dans une assiette de fine porcelaine, entre une branche de céléri et une rondelle de carotte sculptée, qui est sans conteste la plus belle récompense d'une vie de pauvre.


Si vous finissez sous blister dans un hypermarché, on pourra sans doute demander aux industriels de l'agro-alimentaire d'ajouter une petit ligne dans un coin de l'emballage, du genre :
Jacques Raffin a participé à la nourriture de ces triangles de poisson frits.

Une épitaphe valorisante, reproduite sur plusieurs dizaines de produits, sur les rayonnages.
Toute une vie d'injustices vengée en quelques mots…